Ayant participé au récent Forum mondial de la langue française se tenant à Québec (on l'imagine mal se tenant dans une métropole linguistiquement bafouée), j'ai eu à arpenter des dédales de corridors, de salles de conférence, de réception remplies de représentants de 100 pays qui s'intéressent au français, à défaut de le parler majoritairement.
Mais à ma grande désillusion, ici comme là, je n'y entendais pas que du français, je me serais plutôt cru retenu en otage à l'un des étages de la Tour de Babel.
En effet, je me suis vite rendu compte que pour la grande majorité des participants, incluant ceux des pays africains et maghrébins, notre langue était au mieux un simple outil de communication aseptisé, sans véritable attachement viscéral associé, au pire un simulacre d'appartenance au monde civilisé. Dès qu'ils se parlaient entre eux, ils retournaient automatiquement à l'arabe, aux nombreux dialectes africains, etc. Il suffisait de se tenir près de la rangée de téléphones publics tous occupés durant les pauses pour le constater. Une véritable cacophonie sans la moindre trace de la langue qui les amenait en nos murs.
Et c'est sur cette base chancelante, le français langue seconde, qu'il nous faudrait accepter au pays des ressortissants issus de ces parties du monde ? Du simple fait qu'ils possèdent une connaissance variable, voire médiocre, d'une langue seconde qui ne dépasse peut-être même pas leur connaissance de l'anglais ?
À ce compte-là, peut-on prétendre qu'un Québécois possédant les bases de l'espagnol (tel qu'on l'apprend 1 an ou 2 au secondaire) fera le meilleur des Mexicains, prêt à défendre cette langue contre la prédominance de toute autre ? Permettez-moi d'en douter.
Ou est-ce que le Québécois moyen qui baragouine l'anglais serait le postulant tout désigné pour s'établir dans un pays anglo-saxon comme l'Australie ou la Nouvelle-Zélande et défendre bec et ongles les prérogatives de Sa Majesté ?
Rendons-nous à l'évidence, les masses d'immigrants issues des flux migratoires en provenance du tiers-monde qui s'établissent ici avec le français langue seconde n'auront jamais l'attachement identitaire ni la fidélité scellée par le passé que nous portons nous-mêmes envers cette langue belle avec des mots superbes, qui porte son histoire à travers ses accents, comme l'a si bien chanté Yves Duteil.
Quoique le français soit réputé pour être la langue des nuances par excellence pour exprimer idées et sentiments, ils ne s'en serviront que comme véhicule utilitaire pour transmettre de l'information. Ils n'en apprécieront jamais la beautéà travers les chansons, la poésie ou la littérature. Ce n'est pas dans cette langue qu'ils berceront leurs enfants. Bref, tout ce qui fait que l'on s'attache à sa langue en tant que composante essentielle de l'identité culturelle collective les laissera totalement indifférents.
Dès qu'ils se rendront compte que l'Amérique du nord fonctionne en anglais, ils feront tout pour passer à l'anglais (ou son équivalent abâtardi le globish) ou que leurs enfants puissent le faire. Permettez demain matin à tous les immigrants d'envoyer leurs enfants à l'école de leur choix, 100% choisiront l'anglais, 100% laisseront la situation du français au Québec se détériorer jusqu'à notre louisianisation complète.
En un mot comme en mille, accepter des francophones langue seconde est un cheval de Troie qui se mettra à ruer à la première occasion.
Réjean Labrie, de Québec, capitale nationale
Pour entendre la langue de chez nous : http://www.youtube.com/watch?v=e77G...