L'idée de la souveraineté est partiellement revendiquée par des utopistes cosmopolites qui ne rêvent d'un Québec souverain qu'en autant que ce soit l'occasion d'ériger une société différente sur de nouvelles bases, d'instaurer un nouveau système politique idéal qu'ils développent et embellissent sans fin. Admettons que c'est une façon comme une autre d'activer ses neurones.
L'inconvénient d'entretenir le mirage de toute utopie, c'est de faire abstraction du vrai monde qui vivra dedans. On fait un pays pour eux, pas pour tester un nouveau système.
À les lire, les utopistes semblent raisonner ainsi : « peu importe qui sera dans cette société nouvelle, du moment qu'ils adhèrent tous à la doctrine et en assurent le bon fonctionnement ». On y accepte du monde parachuté de n'importe où, on prend le premier venu prêt à essayer ça, comme un gourou de secte recrute ses cerveaux lavés serviles. On sous-entend que les citoyens doivent être au service du système, de la structure, surtout pas l'inverse.
L'utopiste ne considère jamais le fait que le pays est déjà rempli de vrai monde et que c'est eux qui doivent profiter de l'indépendance pour affermir leurs positions sur le territoire et fortifier leur enracinement identitaire.
En effet, le but premier de toute accession à un pays libre restera toujours d'assurer la pérennité du peuple qui y est établi depuis des siècles, pour faire en sorte qu'il ne subisse plus les tentatives d'assimilation, de morcellement par l'ethnicisation à outrance, bref, pour que sa proportion de la population totale n'aille pas en diminuant jusqu'à la minorisation et l'extinction qui s'ensuit.
Peut-on imaginer une Catalogne libre, mais sans Catalans dedans ? Peut-on imaginer une Écosse libre, mais sans Écossais dedans ? C'est pourtant ce que font les utopistes ! Pour eux, n'importe qui a le bon billet d'avion et le bon visa d'entrée devient automatiquement Suisse, Japonais ou Ukrainien dès qu'il atterrit à ces endroits. Quel non-sens !
Un Québec libre sans Québécois, mais avec « n'importe qui de n'importe où» dedans serait une négation de sa raison d'être, une continuation du processus de lente assimilation par l'amoindrissement quantitatif de la proportion de Canadiens-français.
On ne bâtit pas un pays pour imposer un système utopique quelconque, on le bâtit pour les gens qui partagent une identité culturelle collective à léguer en héritage aux générations futures. C'est un geste noble et généreux qui cherche à s'inscrire dans la durée et qui démontre le profond attachement que nous avons envers les nôtres.
À nos amis utopistes : n'oubliez pas le bon monde de chez nous !